Le gouvernement minoritaire chancelant du Japon est sur le point de subir un nouveau revers lors d'un vote à la Chambre haute dimanche, un résultat qui pourrait ébranler la confiance des investisseurs dans la quatrième économie mondiale et compliquer les négociations avec les États-Unis sur les droits de douane.
Le Parti libéral-démocrate (PLD) du Premier ministre Shigeru Ishiba, au pouvoir pendant l’essentiel de l’après-guerre, et son partenaire le Komeito, devraient perdre leur majorité lors d’un nouveau scrutin pour la Chambre basse, la plus influente.
La coalition au pouvoir doit obtenir 50 des 125 sièges à pourvoir pour conserver sa majorité.
Bien que le vote ne puisse pas directement entraîner la chute du gouvernement de Shigeru Ishiba, les investisseurs redoutent qu’il devienne dépendant des partis d’opposition, favorables à des mesures budgétaires expansionnistes susceptibles d’aggraver les ventes massives d’obligations d’État japonaises.
Dans le pire des scénarios, certains analystes estiment que Shigeru Ishiba pourrait être contraint à la démission, ce qui déclencherait un drame politique à l'approche de la date butoir du 1er août, date à laquelle Tokyo doit obtenir un sursis sur les droits de douane imposés par son principal partenaire commercial, les États-Unis.
"S'il avait subi une défaite écrasante, je pense qu'il devrait démissionner", a déclaré David Boling, directeur du cabinet de conseil Eurasia Group.
"Cela soulève de nombreuses questions quant à son remplacement et à l'impact sur les négociations commerciales entre les États-Unis et le Japon."
D'autres analystes financiers et politiques, comme Joseph Kraft de Rorschach Advisory à Tokyo, estiment qu'il est peu probable que le PLD choisisse de changer de direction à un moment clé des négociations sur les droits de douane, qui touchent des secteurs stratégiques comme l’industrie automobile.
Signe de cette urgence, Shigeru Ishiba interrompra sa campagne vendredi pour s'entretenir avec le principal émissaire de Washington sur les droits de douane, le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, qui est en visite au Japon à l'occasion de l'exposition universelle d'Osaka.
UN EXERCICE D'ÉQUILIBRE
Il est plus probable que Shigeru Ishiba cherche à élargir sa coalition ou à conclure des accords informels avec les partis d'opposition pour que son gouvernement puisse continuer à fonctionner après les élections, a déclaré Joseph Kraft.
Cette perspective a rendu les investisseurs nerveux.
La lutte contre l'inflation a été un défi majeur pour Shigeru Ishiba, comme pour d'autres gouvernements mondiaux. Le prix du riz, qui a doublé depuis l'année dernière, est devenu un paratonnerre du mécontentement des électeurs.
En réponse, les partis d'opposition ont promis des réductions d'impôts et des dépenses sociales pour atténuer le choc, tandis que le PLD, avec un œil sur un marché très volatil des obligations d'État, appelle à la retenue budgétaire.
Tout accord de l'opposition visant à affaiblir cette retenue n’aurait pour effet que d'accroître l’inquiétude des investisseurs quant à la capacité du Japon à refinancer sa dette publique, la plus importante du monde, et de compromettre l’objectif de longue date de la Banque du Japon de normaliser sa politique monétaire.
Mais les partis en faveur d’une hausse des dépenses ne sont pas les seuls à avoir remis en cause le soutien au PLD. Sanseito, classé à l'extrême-droite et dont la rhétorique anti-étrangers était autrefois marginale, a été la surprise de la campagne.
Né sur YouTube il y a cinq ans en diffusant des théories complotistes anti-vaccins, Sanseito pourrait remporter 10 à 15 sièges, selon les sondages.
Cela annoncerait l'arrivée d'une nouvelle force politique populiste qui n'a pas encore pris racine au Japon comme elle l'a fait aux États-Unis et en Europe.
Selon les analystes, l'une des raisons pour lesquelles le PLD est resté si longtemps au pouvoir est qu'il a servi d'organisation parapluie accueillant une grande variété d'opinions politiques. Cependant, l'arrivée de partis comme Sanseito pourrait déclencher une crise plus profonde.
"Si le (PLD) va trop à droite, il perd les centristes", a déclaré Tsuneo Watanabe, membre du groupe de réflexion de la Fondation Sasakawa pour la Paix à Tokyo.
"Mais sans la droite, il a d'autres problèmes. Il s'agit d'un exercice, difficile, d'équilibre."
(Reportage John Geddie et Tim Kelly, version française Elena Smirnova, édité par Augustin Turpin)
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